Les Frères Sisters : “Les histoires de Jacques Audiard ont du rythme, ses films de la force” selon ses acteurs

Les Frères Sisters : “Les histoires de Jacques Audiard ont du rythme, ses films de la force” selon ses acteurs

Rencontre avec Jacques Audiard et ses acteurs John C. Reilly et Joaquin Phoenix pour évoquer son western “Les Frères Sisters”, en salles ce mercredi.

AlloCiné : Pourquoi avoir choisi de faire un western ?

Jacques Audiard : Parce qu’on me l’a proposé. (…) John C. Reilly et son épouse avaient les droits du livre et ils m’ont contacté au Festival de Toronto alors que je présentais De Rouille et d’os. (…) J’ai lu le livre et j’étais enthousiaste mais si je l’avais trouvé sur les rayonnages d’une bibliothèque française je l’aurais trouvé formidable mais je ne l’aurais pas adapté.

Comment avez-vous travaillé à l’adaptation du roman de Patrick DeWitt avec Thomas Bidegain ?

J’exagère en disant cela mais [le roman] était une sorte de grand monologue. C’était un livre à point de vue, celui d’Eli, le grand-frère [John C. Reilly dans le film, ndlr]. Les personnages de Warm [Riz Ahmed] et Morris [Jake Gyllenhaal] existaient très peu et de façon très stylisée dans le roman de DeWitt et c’est une chose que l’on a beaucoup développée.

Votre cinéma est très masculin, mais souvent avec des hommes à failles et des fêlures plus ou moins apparentes. Ce sont ces personnages qui vous attirent en particulier ?

(…) Le point important de l’adaptation était de mettre au fond de leur problème qui est complexe une inversion d’aînesse. A la faveur d’un drame, l’aîné n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire en tant qu’aîné et c’est le cadet qui l’a fait. On pourrait résumer l’histoire en disant que c’est la façon dont le frère aîné va récupérer son aînesse sur le cadet.

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Vous avez un casting incroyable, comment ont-ils préparé leurs rôles ?

Nous n’avons pas beaucoup répété. Les acteurs américains viennent dix jours avant le tournage, c’est contractuel. On ne peut pas parler de répétitions, on va plus parler de contact ou de lectures. Mais par exemple j’étais en contact très régulier avec John C. avec Jake Gyllenhaal et Riz Ahmed et c’est vrai qu’ils me posaient beaucoup de questions. Ils travaillent très en amont et lorsqu’ils arrivent ils vous font une proposition très cohérente. Et c’est formidable. D’autant que ce n’est pas une proposition stable, intouchable. C’est comme si on vous apportait une corbeille bien pleine et que vous (il fait le geste de trier le contenu d’un panier).

(…) Pour l’acteur américain, le cinéma est un métier en soi. En France, j’ai l’impression que l’on a une conception large des termes “comédiens” ou “acteurs”, on va de l’un à l’autre. Chez les Américains, le comédien doit avoir -le temps c’est de l’argent- un savoir de où il se met par rapport à la caméra et jusqu’au doublage où ils ont une technique formidable.

Jacques Audiard vu par ses acteurs Joaquin Phoenix et John C. Reilly :

"Les histoires de Jacques Audiard ont du rythme, ses films de la force"

Comment avez-vous travaillé avec des acteurs américains, surtout que chacun a une méthode différente pour jouer la comédie ?

Jake Gyllenhaal m’a fait l’effet de quelqu’un qui n’était pas locataire mais propriétaire temporaire de son rôle. Il avait le soin et certains droits sur son personnage que n’aurait pas eu le locataire. Riz Ahmed est aussi de cette espèce-là. John C. excelle dans la composition, la fabrication d’un personnage (…) qu’il prend très émotivement.

Et Joaquin n’est pas du tout comme cela, il ne veut pas savoir. Son truc c’est de dire qu’il n’est pas acteur professionnel… C’est comme s’il ne jouait pas un personnage mais jouait avec un personnage. Si vous regardez sa filmographie, il ne disparaît jamais, c’est toujours “Joaquin Phoenix fait telle chose” et tout son talent c’est l’apparition de Joaquin Phoenix et sa disparition dans le personnage. C’est une sinusoïde fascinante à regarder.

Même s’ils viennent d’un même horizon technique dans le sens où le cinéma est une technique, ils vont s’en servir différemment. Et je ne peux pas répondre en généralité “ah ce sont tous des acteurs Actor’s Studio” car ce ne serait pas répondre à votre question.

Les univers de vos films sont toujours hostiles, vos héros doivent y survivre plus qu’y vivre véritablement…

Ce qu’il y a comme héritage commun du western c’est l’héritage de la violence. Qu’allons-nous faire de la violence des Pères fondateurs ? On voit d’ailleurs apparaître dans l’histoire du western ce moment où se pose la question de l’arrivée du marshall et de la loi : à quel moment allons-nous laisser les revolvers à l’entrée du village comme dans Rio Bravo. Le western s’est fait de cette violence. Alors soit on la prend très frontalement -des bons avec des têtes de bons et des méchants avec des têtes de méchants- soit on fait de cette histoire -et c’était la proposition de DeWitt- une affaire beaucoup plus personnelle, comme si tout cet héritage de la violence n’était plus que dans deux personnages et que vont-ils faire de cette violence (…) ?

En matière de western, quelles sont vos références ? Elles sont quasi indétectables dans le film.

Les westerns que j’ai pu voir, revoir, ce ne sont pas les westerns des origines de John Ford ou autres ce sont surtout les westerns des années 60 et 70 et très singulièrement si quelqu’un est au centre de mes pensées c’est Arthur Penn avec Missouri Breaks ou Little Big Man. Little Big Man est une épopée drôlatique, un peu comme Les Frères Sisters.

“Les Frères Sisters” est actuellement en salles :

Les Frères Sisters Bande-annonce (2) VO