Début octobre, des chercheurs avançaient que la consommationde viande rouge et de charcuterie était sans danger pour la santé. Tout en omettant de préciser leur lien avec le secteur agroalimentaire.
De nombreux pays recommandent de limiter la consommation de viande rouge et de charcuterie pour prévenir cancers et maladies du coeur.<br />
©antoniotruzzi / IStock.com
Sommaire
- Une étude qui fait débat
La viande rouge et la charcuterie bonnes pour la santé ? Alors que les études s’accumulent pour démontrer le contraire, une nouvelle étude menée par un panel de chercheurs de sept pays et révélée début octobre conseillait “aux adultes de continuer leur consommation actuelle de viande rouge”. A savoir une moyenne de trois à quatre portions par semaine en Amérique du Nord et en Europe. Même consigne pour la charcuterie, selon ces recommandations parues dans la revue
Annals of Internal Medicine.Mais selon
Le Monde, au moins trois des 14 chercheurs n’ont pas précisé auprès de la revue
Annals of Internal Medicine “leurs relations avec le secteur agroalimentaire, contrairement aux exigences éthiques de cette dernière“. C’est par exemple le cas du docteur Patrick Stover de l’université A&M Texas qui est “étroitement liée aux industriels de la viande et de l’élevage (…) et bénéficie de plusieurs millions de dollars de financements de la part du secteur qui pèse 12,9 milliards de dollars (11,7 milliards d’euros) au Texas, premier Etat producteur de viande aux Etats-Unis“.Pour autant, la revue ne compte pas retirer cette étude. “Un grand nombre d’essais sur les médicaments bénéficient d’un financement de l’industrie. Les conflits d’intérêts ne sont qu’une source potentielle de biais“, a déclaré Christine Laine, rédactrice en chef de la revue dans le
Washington Post.Une étude qui fait débatCette étude passe au crible les travaux déjà existants et estime qu’ils montrent que réduire la consommation de viande rouge abaisserait la mortalité par cancer de sept morts pour mille personnes, ce que le panel de scientifiques considère être une baisse modeste.
En outre, les chercheurs qualifient le degré de certitude de “faible“, voire “très faible” pour l’impact de la charcuterie sur la survenue des
maladies cardiovasculaires et du
diabète.“Il y a de très faibles réductions de risque pour le cancer, les maladies du cœur et le diabète, et en outre, les preuves sont incertaines”, résume Bradley Johnston, professeur associé d’épidémiologie à l’université Dalhousie au Canada, et directeur du groupe NutriRECS, qui a rédigé les consignes.Avec leur nouvelle analyse, les chercheurs disent vouloir faire mûrir le domaine des recommandations nutritionnelles, qu’ils jugent représentatives d’une “vieille école” qui estime que toute réduction de risque, aussi infime et incertaine soit-elle, apporte des bénéfices sociétaux, quels que soient les goûts individuels.“Mais notre recommandation est que, pour la plupart des gens, la meilleure approche est de continuer, étant donné la très faible réduction de risques et l’incertitude des preuves”, poursuit Bradley Johnston.Ces consignes ont été dénoncées comme irresponsables par des organisations de lutte contre le cancer et des experts de santé publique. Ils ne contestent pas les résultats statistiques mais les conclusions : certes la réduction de risque est relativement faible, mais au niveau d’une population, l’impact est tangible.Le World Cancer Research Fund a indiqué qu’il ne changerait pas ses consignes. “Nous maintenons notre confiance dans la recherche rigoureuse conduite depuis 30 ans”, a déclaré sa directrice de la recherche, Giota Mitrou. Des experts de l’école de santé publique d’Harvard contestent la notation “faible” accordée par les auteurs des nouvelles consignes aux études sur la viande. La plupart des études sur l’alimentation sont “observationnelles”, c’est-à-dire qu’elles suivent des gens dans la durée en tâchant d’enregistrer ce qu’ils consomment.Certes, la méthode ne permet pas de trouver d’effet de causalité, par rapport aux études dites “randomisées”, mais elle est plus adaptée au domaine, écrivent-ils.Si la même approche était appliquée aux fruits et légumes, à l’activité physique ou la pollution, “aucune des consignes sur ces facteurs ne serait soutenue par des preuves de qualité haute ou même modérée”, clament-ils, défendant un principe de précaution.Santé Publique France recommande ainsi de limiter la charcuterie à 150 grammes par semaine et les viandes autres que la volaille à 500 grammes.Le Centre international de recherche sur le cancer, agence de l’Organisation mondiale de la Santé, classe la viande rouge comme “cancérogène probable” et la charcuterie “cancérogène”.Pour John Ioannidis, professeur de médecine à Stanford et grand critique des études sur l’alimentation, “la façon dont les épidémiologistes promeuvent avec ferveur l’existence de bons et mauvais aliments depuis des années nous a détournés de messages plus simples et plus importants, tels que la nécessité de manger avec modération et de ne pas devenir obèses”.Les consignes publiées ce lundi 30 septembre ont été approuvées par 11 des 14 chercheurs composant le panel. “Les gens devraient utiliser cela pour faire des choix mieux informés, plutôt que des organisations leur disent d’autorité ce qu’il faut faire”, maintient Bradley Johnston.